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Samenvatting
C’est ce germe de la véritable fierté féminine que ma tante n’avait pu développer chez sa fille. Là encore, elle s’était heurtée à des obstacles inévitables. Peut-on dire à une fille de quatorze ou quinze ans à quelles chutes conduisent les enivrements qui l’enlacent ? Si elle les ignore, elle ne s’en méfiera pas. Si elle les sait, elle voudra les braver, soit par curiosité, soit par dédain.
Un peu plus tard, l’instruction complète donnée à la jeune tête devient plus dangereuse encore, car nul ne sait le mystère qui s’accomplit en elle. Ma tante m’accordait une entière confiance et m’avouait ses perplexités. J’étais d’un avis différent du sien. Elle eût voulu envelopper son Erneste d’un nuage impénétrable et la conserver vierge d’imagination jusqu’au jour où paraîtrait l’objet de l’amour permis. Il me semblait, au contraire, que, pour son âge, ma jeune cousine n’était pas assez développée dans le sens de la femme, et qu’il eût mieux valu pour elle rêver d’amour que d’ambition.
Quoi qu’il en soit, Erneste, quand son système nerveux était au beau, avait toutes les grâces d’une aimable enfant : elle chérissait sa mère, elle était douce et généreuse, elle montrait des aptitudes intelligentes ; mais, quand passait la rafale, c’était la migraine, le dépit, les larmes, les jours de diète volontaire, les bruyantes insomnies, mille langueurs, mille caprices, et, par contre-coup, mille cruautés dont saignait le cœur maternel.
Je n’avais aucun empire sur elle, et je crois même que je lui inspirais alors de l’aversion. J’étais un frère trop clairvoyant, un ami trop sincère. J’aurais pris de l’ascendant au moyen d’un système d’adroite flatterie ; mais alors j’aurais plu peut-être, et c’est ce que je ne voulais à aucun prix.
Je connaissais le Plantier pour être venu, au nom de ma tante, en négocier l’achat ; mais, absent depuis quelques mois, je n’avais pu l’aider à y donner les derniers soins, et je fus agréablement surpris de voir avec quel goût elle avait su accommoder sa modeste résidence à ses besoins et à ses ressources. C’était moins un petit château qu’une grande vieille maison normande avec ses reliefs et ses ornements de bois encadrant des panneaux de silex grisâtre. Ces chalets du Nord ont leur physionomie et leur mérite ; ils sont complets pour le peintre quand ils sont, comme celui du Plantier, chamarrés de vignes et de chèvrefeuilles dont les enroulements égayent la froideur de ton des matériaux. Le dernier étage, mansardé, avait comme revêtement, entre chaque croisée, une savante imbrication d’ardoises ; au second, ces revêtements étaient en chêne simulant des écailles. Cela n’était pas beau, mais offrait à l’œil la sensation du solide et du confortable sous un climat pluvieux, L’ensemble était massif, la décoration simple. Des arbres magnifiques, ces grands hêtres monumentaux qui sont les cèdres et les palmiers de certains cantons de la Normandie, protégeaient toute l’habitation et tout le jardin contre les rafales. Au reste, le pays environnant, gracieusement creusé en vallons à doubles et triples plissements, était bien abrité contre les vents de mer. Ces régions intermédiaires entre les grandes plaines du pays normand et les côtes de la Manche sont extrêmement agréables et souriantes. Pas de grands effets, mais partout du charme, une admirable végétation, des mouvements de terrain qui semblent ménagés pour les plaisirs de la vue et de la promenade ; les influences de la mer adoucies et comme tamisées par la beauté des arbres et le parfum des prairies ; un sentiment de repos, de bien-être et de sécurité jusqu’au pied des derniers remparts de la blanche falaise ; un sol riche, bien cultivé et meublé de fermes d’une composition très-décorative ; des chemins de sable toujours propres, avec des sinuosités convenablement mystérieuses : telle était l’oasis où ma bonne tante eût voulu finir ses jours, si sa fille eût partagé ses goûts et ses idées.
Mais combien peu elle les partageait, la jeune victime transplantée sur cette terre d’exil et de malédiction ! Dès le lendemain de mon arrivée, en me faisant les honneurs de son nouveau manoir, elle fut intarissable de reproches sur mon acquisition et de moqueries sur mon goût d’artiste. J’avais eu beau m’assurer avec un soin minutieux de la bonne qualité des matériaux et du bon état des charpentes, elle décrétait qu’au premier orage cette vieille maison rongée de mousse tomberait en poussière. Les ardoises dorées de leurs beaux lichens étaient, selon elle, des tentures de deuil sur lesquelles il avait plu du jaune d’œuf. Les guirlandes de feuillage étaient une décoration de cabaret un jour de noce villageoise, et les écailles de bois entrevues à travers les pampres faisaient l’effet de grands vilains crocodiles collés aux murailles et cherchant à se chauffer le dos au soleil. Je la forçai d’avouer que, si cette maison eût été un palais de fées et ce pays un Éden, elle en eût pris possession avec autant de répugnance.
— Mon Dieu ! reprit-elle, il ne faut pas me dire que je hais la campagne. Je l’aime beaucoup, au contraire, quand elle ressemble à quelque chose de vivant et de civilisé.
— Comme le bois de Boulogne par exemple ? La campagne pour toi, c’est la poussière des cavalcades et le roulement des voitures.
— Eh bien, nous pouvions avoir cela sans dépenser ce que nous coûte cette horrible masure, et, si c’est un travers d’aimer ce que tout le monde aime puisque tout le monde y va, je ne comprends pas que maman, qui prétend faire mon bonheur et sacrifier tout à ma santé, m’ait amenée dans ce désert, où l’ennui me fera mourir.
— Êtes-vous donc seules ici ? Je croyais que vous aviez des voisins en quantité suffisante.
— Ah ! l’horrible chose que les voisins qu’il faut voir, stupides ou non, par la seule raison qu’ils sont vos voisins et qu’on ne peut pas les changer ! Je déclare que tous les nôtres sont insoutenables.
— Voyons, dis-en beaucoup de mal, ça te fera du bien.
— À la bonne heure ! Je ne demande pas mieux ; mais non : ce serait trop long. Ils sont une vingtaine, plus fâcheux les uns que les autres. Je n’en citerai que deux, un homme et une femme, que je déteste particulièrement.
— Comment appelle-t-on ce couple infortuné ?
Productspecificaties
Inhoud
- Taal
- fr
- Bindwijze
- E-book
- Oorspronkelijke releasedatum
- 28 oktober 2018
- Ebook Formaat
- Adobe ePub
Betrokkenen
- Hoofdauteur
- George Sand
- Hoofduitgeverij
- Gilbert Terol
Lees mogelijkheden
- Lees dit ebook op
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Overige kenmerken
- Studieboek
- Nee
EAN
- EAN
- 1230002752112
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