L'HOMME EST UN MECHANT LOUP pour l'homme Ebook Tooltip Ebooks kunnen worden gelezen op uw computer en op daarvoor geschikte e-readers.

Le temps se révèle frais et brumeux, typique de nos fins d’après-midi d’hiver printaniers en Vendée, lorsque le soleil se cache derrière d’épais nuages menaçants, dévoilant un paysage morne et atterré, affligeant la silhouette belle et triste de ma ville assiégée. Il y a une tempête qui souffle dans les eaux du fleuve. Du vent qui se débat. Je me noie dans la nuit noire qui m’assaille.

Ce soir, la nationale est exceptionnellement dégagée, les voitures et leurs occupants semblent terrés à l’horizon. Affalée sur mon volant, je parcours les courbes rugueuses de l’itinéraire gris qui s’érige devant moi. Mon auto s’engloutit dans la voie sinueuse qui m’aspire. Je tremble de froid, mon âme en émoi filtre la froidure de l’air qui vient s’abattre sur mon front nu, en désarroi. Je suis en route pour rentrer chez moi et je me souviens qu’aujourd’hui Mme Ronsard, la nouvelle directrice a encore tenu des propos agressifs à l’égard de Mme Nanti. Puis, elle s’en est prise à nous, le personnel de l’école. Et comme d’habitude, sa pugnacité ne me donnait pas envie de travailler. Pourtant, je devrais m’habituer à sa rengaine effrénée qui nous pompe l’air, nous inspire l’iniquité. Dire qu’une dirigeante doit arborer l’exemple ! Parbleu ! N’apprend-on pas aux enfants à se respecter mutuellement ? Quel triste spectacle ! Quel odieux comportement ! La vipère est vénéneuse et son venin torture l’âme faible et fragile.

L’extase, je l’ai retrouvée auprès de mes élèves cet après-midi. Comme toujours, ils se sont montrés agréables. Tel l’air frais, revigorant pour le moral ! Rien de pareil pour effacer toute brimade. Ainsi, les exercices de mathématiques terminés, vers les 14 heures, la classe s’est relâchée en s’adonnant au dessin, pour certains, du travail manuel, pour les autres. Quelques CE2 d’une collègue absente pour je ne sais quelle raison se sont joints à mes enfants dans ces activités.

À ma surprise, certains élèves se sont surpassés dans la construction de leurs ouvrages. Quand les pulsions artistiques se lâchent, il en ressort souvent de merveilleuses choses ! Et me voilà plongée dans la quiétude de mon enfance où il était question d’étudier les œuvres de maîtres. Entre les magnifiques ouvrages que le premier groupe s’est mis à esquisser et la confection des mobiles du deuxième, il y avait de quoi s’extasier.

L’art paraît beau et l’imagination fertile dès lors qu’on laisse s’exprimer l’âme. Heureusement qu’il nous reste cet aspect de l’existence pour fructifier les performances, loin des agrégats navrants de la civilisation. Et, les objets de formes géométriques en papier bristol pastel, soutenus par de fines tiges préparées antérieurement, se sont avérés superbes. Tandis que les enfants se sont pris d’intérêt pour le collage et le coloriage, le temps a passé paisiblement. Il ne reste plus qu’à suspendre les décorations au plafond afin qu’ils acquiescent de leur splendeur ! Il fallait voir comme les artistes en herbe paraissaient heureux de fabriquer les lots pour la prochaine kermesse de l’école !

Un des élèves de CE2, qui avait rejoint mon groupe de dessin, m’a émerveillée, lui aussi. À n’en pas douter, le garçon est doué. Sur du papier, il a esquissé un magnifique bateau à moteur qu’il s’est mis joliment à colorier en marron et blanc. Le bleu profond de la mer, parsemé de quelques taches auréolées d’écume, faisait ressortir les nuances utilisées. On aurait dit une vraie toile de maître tellement l’ouvrage paraissait fin et subtil. Le travail de ce petit grand ingénieux faisait plaisir à voir. Dieu merci, la valeur n’attend pas le nombre des années ! Bientôt, on passera à l’encadrement des chefs-d’œuvre. Ce n’est que le début des activités, pourtant la réalisation des apprentis artistes s’annonce prometteuse.

Il est temps que je me présente ! Je m’appelle Évelyne Lambert, professeure de la classe de CE1 au primaire André Malraux à La Roche-sur-Yon en Vendée. Établissement assez réputé pour la cordialité de l’équipe enseignante jusqu’ici. J’ai, par ailleurs, trois beaux enfants qui représentent ma fierté, je suis mariée à un homme merveilleux. Je suis une femme comblée qui exerce le métier de ses rêves.

Pourtant, je ne peux m’empêcher de porter un regard critique sur notre société, au vu de ce qui se déroule ou se profile à l’horizon. Or, tout ce qui s’avère injuste et abject ici-bas ne semble pas déranger. Ainsi, l’être humain s’adapte, se voile la face, agit comme si tout allait bien du moment que le malheur ne le touche pas, lui, mais son voisin. Et puis, quand on se trouve en haut du podium, l’on ne s’intéresse pas à l’autre homme, à la limite, l’on se dit bien fait pour sa pomme, par la force des choses, l’on se sent un surhomme. Souvent, la réussite des uns rime avec sacrifice d’autrui. C’est l’école même de la vie, pour ce qui nous reste de sursis. Curieux ! Enfin, il apparaîtrait que c’est ce qu’il en ressort aujourd’hui. Fâcheuse tendance qui vient ébranler toutes nos valeurs judéo-chrétiennes ! Mais, le monde change et, telles de violentes bourrasques, les nouveaux courants de pensée nous scotchent dans notre tempérance et notre immobilisme face aux données qui se veulent de plus en plus immondes et barbares.

Ne vous étonnez pas si au cours de mon périple je m’indigne contre la lâcheté et le fatalisme ! D’ailleurs, j’ai déjà pris mon ticket. Mais, comprenez, moi, qui suis une humaniste née, à laquelle on a promis toute sa vie que le bien triomphait toujours du mal. Voilà que je ne fais que constater que l’on m’a menti toute ma vie. En effet, depuis, je ne fais qu’observer que le fatalisme s’invite naturellement dans la structure, parfois les plus hautes instances. Et j’enrage. Alors, avec mes petits moyens, la littérature aidant, je m’élève contre l’aberration qui s’infiltre chaque jour dans la moindre particule de bon sens de ce monde. Pas besoin de faire un dessin, vous l’aurez compris, j’appartiens au vieux monde, de celui qui respecte la vie, protège les plus petits. Comme « chaque jour suffit sa peine », à chaque pays, ses problèmes ! Voilà que je m’occupe du sort des plus faibles de ma patrie. A chaque pays, ses valeurs, à chaque pays son parti pris, n’est-ce pas ? Alors, je parle de ce qui touche les brimés de notre société, ici-bas. Mon pays, c’est ma famille, quiconque l’amenuise me voit me soulever contre la mouise dans laquelle on l’enfonce obstinément. On le verra suivant l’humeur. Mais j’ai choisi la poésie, ou plutôt la littérature pour transmettre mon ressenti, car de tout temps, ceux qui gouvernent n’acceptent pas qu’on leur dise leurs quatre vérités. Et les conflits, je déteste ça. Je laisse ça aux poissards et aux poissardes qui aiment s’étaler sur la place publique. Moi, je me bats à coup de littérature, je dénonce les postures. Voilà pourquoi la Fontaine se servait des animaux pour asseoir ses idées sur le comportement des hommes de son siècle. Pareil quand Baudelaire se compare à l’albatros, cet oiseau si majestueux quand il vole dans le ciel, gauche et veule quand il se trouve sur le sol. De tout temps, des hommes à l’esprit créatif, à la plume acérée ont écrit pour dénoncer sur ce qu’ils pensent incroyable et pour cela, ils se sont servis de la littérature pour divulguer les défauts de l’être humain qui n’est ni plus ni moins, qu’un pauvre crétin. Ce qui a de réconfortant, Dieu est juste, l’heure du départ sonnée, ils seront incapables d’échanger leur place. Ils le pourraient, ils ne se gêneraient pas, tels qu’on les connait. Lâches, ils seraient capables d’envoyer l’innocence au casse-pipe.