Histoire des Femmes Écrivain de la France Ebook Info-bulle Les e-books sont lisibles sur votre ordinateur ou une liseuse adaptée.
Auteur:
Henri Carton
- fr
- livre numérique
- 1230002758053
- 30 octobre 2018
Résumé
Il faut attendre les premières lueurs du moyen âge pour voir les femmes, à part quelques religieuses inspirées, s'aventurer dans la carrière des lettres. Quoi d'étonnant à cela ? Quand l'homme, bardé de fer, tenait à honneur de ne pas savoir signer son nom, comment la femme, résignée aux ordres de son seigneur et maître, eût-elle osé se permettre d'en savoir davantage ?
Cependant il ne devait pas en être longtemps ainsi. La Chevalerie prescrivait la défense du faible et de l'opprimé. Or les femmes, presque réduites à l'esclavage sous les lois romaines, mieux protégées sous les lois des barbares conquérants, restaient encore en butte à la brutalité des mœurs guerrières de ceux qui les entouraient. Ce fut donc tout naturellement que les progrès de la civilisation amenèrent les chevaliers à prendre en main la défense du sexe le plus faible. Puis le respect vint se mêler à cet instinct qui attire les sexes l'un vers l'autre, et ces sentiments, exaltés encore par les chants des troubadours et des trouvères, attacheront pour la vie le Chevalier à la Dame de ses pensées.
' Les femmes du moyen âge sentirent bientôt qu'elles ne devaient pas rester indignes du respect enthousiaste et de l'espèce de culte dont les entourait la Chevalerie. Dans les monastères, elles ne se réservèrent plus tout entières à Dieu, mais aussi à la science de Dieu ; elles devancèrent les docteurs dans cette carrière ; elles furent aussi savantes et souvent plus subtiles qu'eux dans l'interprétation. Au monastère de Chelles, près de Paris, les hommes et les femmes écoutaient avec un égal respect les leçons de sainte Bertilla, et les rois de la Grande-Bretagne lui demandaient quelques-uns de ses disciples pour fonder des écoles dans leur pays. ' (Michelet.)
Il n'est pas rare qu'on se fasse sur l'éducation des femmes au moyen âge une idée assez fausse. On est facilement tenté de la considérer, sinon comme à peu près nulle, du moins comme limitée à la connaissance de quelques prescriptions médicales et des soins du ménage. C'est souvent inexact. Des documents authentiques établissent que, dès le huitième siècle, un certain nombre de femmes, au moins celles de condition élevée, consacraient à l'étude une partie notable de leur jeunesse. Elles apprenaient le latin dans les couvents ou monastères et ne négligeaient point l'étude du chant, ni celle de l'orgue ou de la lyre.
C'est ainsi que Judith, deuxième femme de Louis le Débonnaire, joignait aux charmes de la beauté physique les avantages de l'éducation. Dans un poème consacré à sa louange par un de ses contemporains, Walafrid Strabon, l'auteur vante la culture de son esprit, la grâce de ses discours et aussi son habileté à faire résonner sous ses doigts la harpe des filles de la Germanie. Il est certain, d'ailleurs, que cette princesse devait avoir l'esprit remarquablement cultivé, puisque plusieurs des écrivains de l'époque ont tenu à honneur de lui dédier leurs livres. C'est à elle, par exemple, que Julius Florus offrit la dédicace de son Histoire universelle.
Plusieurs autres femmes, principalement parmi les abbesses et même les simples religieuses, se sont distinguées par leur savoir. Leurs noms, il est vrai, ne nous offriraient qu'un intérêt bien secondaire. Citons seulement, à titre d'exemple, Dodane, duchesse de Septimanie, morte en 842, et qui, peu de temps avant sa mort, avait composé un Manuel de Conduite, ou recueil d'avis d'une mère à son fils. Cet ouvrage est naturellement écrit en latin, la seule langue en usage à cette époque, non seulement dans l'Église, mais aussi dans les affaires de la vie politique et civile et dans la société polie.
Insensiblement on trouve des femmes présidant aux luttes poétiques des troubadours et des trouvères. La reine Constance amène ces chantres galants des régions de l'Aquitaine à la cour bigote de Robert, et avec eux y introduit une élégance, une culture inconnue jusqu'alors.
Les Chansons de geste recevaient de jour en jour un accueil plus flatteur qui excitait la verve des poètes. L'un des principaux intérêts que nous offrent ces poèmes, c'est d'être la fidèle peinture de la vie du moyen âge.
' C'est dans ces longs récits que se retrouvent à leur place les monastères, les dames au clair visage, cueillant les fleurs de mai, ou du haut des balcons attendant les nouvelles ; l'ermite au fond des bois, qui lit son livre enluminé ; la damoiselle sur son palefroi pommelé ; les messagers, les pèlerins assis à table et devisant dans la salle parée ; les bourgeois sous la poterne, le serf sur la glèbe ; les pavillons tendus au vent, les enseignes brodées et dépliées, les chasses au faucon, les jugements par le feu, par l'eau, par le duel ; les plaids, les joutes, les épées héroïques, la Durandal, la Joyeuse, la Hauteclaire ; les chevaux piaffants et nommés par leurs noms, à l'instar d'Homère, le Bayard des fils Aimon, le Blanchard de Charlemagne, le Valentin de Roland ; tout ce qui accompagnait et suivait les disputes des seigneurs, défis, pourparlers, injures, prises d'armes, convocation du ban et de l'arrière-ban, machines de guerre, engins, assauts, pluies de flèches d'acier, famines, meurtres, tours démantelées ; c'est-à-dire le spectacle entier de cette vie bruyante, silencieuse ; variée, monotone ; religieuse, guerrière ; où tous les extrêmes étaient rassemblés, en sorte que ces poèmes, qui semblaient extravaguer d'abord, finissent souvent par vous ramener à une vérité de détails et de sentiments plus réelle et plus saisissante que l'histoire. ' (E. Quinet.)
Il appartenait à un poète comme M. Edgar Quinet, d'une imagination si hardie, de commenter le fier génie de nos vieux poètes. Au risque d'encourir le reproche d'avoir fait un hors-d'œuvre, nous aurions regretté de priver nos lecteurs du charme de cette citation.
Cependant il ne devait pas en être longtemps ainsi. La Chevalerie prescrivait la défense du faible et de l'opprimé. Or les femmes, presque réduites à l'esclavage sous les lois romaines, mieux protégées sous les lois des barbares conquérants, restaient encore en butte à la brutalité des mœurs guerrières de ceux qui les entouraient. Ce fut donc tout naturellement que les progrès de la civilisation amenèrent les chevaliers à prendre en main la défense du sexe le plus faible. Puis le respect vint se mêler à cet instinct qui attire les sexes l'un vers l'autre, et ces sentiments, exaltés encore par les chants des troubadours et des trouvères, attacheront pour la vie le Chevalier à la Dame de ses pensées.
' Les femmes du moyen âge sentirent bientôt qu'elles ne devaient pas rester indignes du respect enthousiaste et de l'espèce de culte dont les entourait la Chevalerie. Dans les monastères, elles ne se réservèrent plus tout entières à Dieu, mais aussi à la science de Dieu ; elles devancèrent les docteurs dans cette carrière ; elles furent aussi savantes et souvent plus subtiles qu'eux dans l'interprétation. Au monastère de Chelles, près de Paris, les hommes et les femmes écoutaient avec un égal respect les leçons de sainte Bertilla, et les rois de la Grande-Bretagne lui demandaient quelques-uns de ses disciples pour fonder des écoles dans leur pays. ' (Michelet.)
Il n'est pas rare qu'on se fasse sur l'éducation des femmes au moyen âge une idée assez fausse. On est facilement tenté de la considérer, sinon comme à peu près nulle, du moins comme limitée à la connaissance de quelques prescriptions médicales et des soins du ménage. C'est souvent inexact. Des documents authentiques établissent que, dès le huitième siècle, un certain nombre de femmes, au moins celles de condition élevée, consacraient à l'étude une partie notable de leur jeunesse. Elles apprenaient le latin dans les couvents ou monastères et ne négligeaient point l'étude du chant, ni celle de l'orgue ou de la lyre.
C'est ainsi que Judith, deuxième femme de Louis le Débonnaire, joignait aux charmes de la beauté physique les avantages de l'éducation. Dans un poème consacré à sa louange par un de ses contemporains, Walafrid Strabon, l'auteur vante la culture de son esprit, la grâce de ses discours et aussi son habileté à faire résonner sous ses doigts la harpe des filles de la Germanie. Il est certain, d'ailleurs, que cette princesse devait avoir l'esprit remarquablement cultivé, puisque plusieurs des écrivains de l'époque ont tenu à honneur de lui dédier leurs livres. C'est à elle, par exemple, que Julius Florus offrit la dédicace de son Histoire universelle.
Plusieurs autres femmes, principalement parmi les abbesses et même les simples religieuses, se sont distinguées par leur savoir. Leurs noms, il est vrai, ne nous offriraient qu'un intérêt bien secondaire. Citons seulement, à titre d'exemple, Dodane, duchesse de Septimanie, morte en 842, et qui, peu de temps avant sa mort, avait composé un Manuel de Conduite, ou recueil d'avis d'une mère à son fils. Cet ouvrage est naturellement écrit en latin, la seule langue en usage à cette époque, non seulement dans l'Église, mais aussi dans les affaires de la vie politique et civile et dans la société polie.
Insensiblement on trouve des femmes présidant aux luttes poétiques des troubadours et des trouvères. La reine Constance amène ces chantres galants des régions de l'Aquitaine à la cour bigote de Robert, et avec eux y introduit une élégance, une culture inconnue jusqu'alors.
Les Chansons de geste recevaient de jour en jour un accueil plus flatteur qui excitait la verve des poètes. L'un des principaux intérêts que nous offrent ces poèmes, c'est d'être la fidèle peinture de la vie du moyen âge.
' C'est dans ces longs récits que se retrouvent à leur place les monastères, les dames au clair visage, cueillant les fleurs de mai, ou du haut des balcons attendant les nouvelles ; l'ermite au fond des bois, qui lit son livre enluminé ; la damoiselle sur son palefroi pommelé ; les messagers, les pèlerins assis à table et devisant dans la salle parée ; les bourgeois sous la poterne, le serf sur la glèbe ; les pavillons tendus au vent, les enseignes brodées et dépliées, les chasses au faucon, les jugements par le feu, par l'eau, par le duel ; les plaids, les joutes, les épées héroïques, la Durandal, la Joyeuse, la Hauteclaire ; les chevaux piaffants et nommés par leurs noms, à l'instar d'Homère, le Bayard des fils Aimon, le Blanchard de Charlemagne, le Valentin de Roland ; tout ce qui accompagnait et suivait les disputes des seigneurs, défis, pourparlers, injures, prises d'armes, convocation du ban et de l'arrière-ban, machines de guerre, engins, assauts, pluies de flèches d'acier, famines, meurtres, tours démantelées ; c'est-à-dire le spectacle entier de cette vie bruyante, silencieuse ; variée, monotone ; religieuse, guerrière ; où tous les extrêmes étaient rassemblés, en sorte que ces poèmes, qui semblaient extravaguer d'abord, finissent souvent par vous ramener à une vérité de détails et de sentiments plus réelle et plus saisissante que l'histoire. ' (E. Quinet.)
Il appartenait à un poète comme M. Edgar Quinet, d'une imagination si hardie, de commenter le fier génie de nos vieux poètes. Au risque d'encourir le reproche d'avoir fait un hors-d'œuvre, nous aurions regretté de priver nos lecteurs du charme de cette citation.
Spécifications produit
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Contenu
- Langue
- fr
- Binding
- livre numérique
- Date de sortie initiale
- 30 octobre 2018
Personnes impliquées
- Auteur principal
- Henri Carton
- Editeur principal
- Gilbert Terol
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EAN
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